Enfin, mes hôtes les plus intéressants ont été les mantes religieuses. J’avais remarqué qu’elles avaient une prédilection pour les panais en fleurs pour y capturer leur nourriture. Figées le long des tiges, vertes comme elles, elles attendent le passage d’un insecte venant butiner pour le happer d’une vive détente de leurs pattes antérieure transformées en pinces. Sa victime crochetée, il ne reste plus à notre mante qu'à croquer l’insecte. Les mâles qui échappent à la voracité de leurs femelles restent effilés toute leur vie et volent très bien. Par contre, les femelles, à l’automne, toute gonflées de leur future maternité sont des proies faciles à saisir. Ces curieuses bêtes qui, lorsqu’elles arrivent à le crocheter mangent leur mâle après l’accouplement, ont une autre particularité. Elles pondent leurs œufs dans une enveloppe de protection qu’elles secrètent elles-mêmes. En plus de leurs œufs, elles ont dans l’abdomen une sorte de pâte qui, en séchant, prend la consistance du papier, comme les nids de guêpes. Les mantes femelles excrètent ce nid qu’elles collent contre une paroi en général exposée au soleil printanier. Les œufs devenant larves passent l’hiver, chacun dans une alvéole de ce nid. Les larves en sortiront au printemps, pas plus grosses que des puces, presque transparentes ayant déjà leur forme définitive. Bref, ces énormes femelles traînent à l’automne, avant la ponte, un ventre mou, gros comme le pouce, qui exclut toute agilité et tout envol. J’en avais bien une dizaine en pension dans mon zoo lorsqu’à la rentrée scolaire nous avons du réintégrer notre quatrième étage du square St Amour. J’ai transporté les cages sur notre balcon. N’ayant plus le temps de chercher la nourriture de ma dizaine de mantes, je leur ai sacrifié mes sauterelles. Ce gardiennage perdait de son intérêt et par négligence j’ai dû mal reposer mes plaques de verre. Malgré leurs gros ventres mes mantes ont choisi la liberté. Alourdies et ne pouvant plus voler, en tombant du balcon, elles ont pu entrer par les fenêtres ouvertes aux derniers rayons de soleil des étages inférieurs. J’ai su que la concierge avait fait son enquête sur la provenance de ces affreux insectes que nos bourgeois de voisins ont trouvé, avec dégoût, accrochés à leurs rideaux. Je me suis bien gardé d’avouer que je connaissais l’origine de cette invasion, mais ce fut la fin de mon élevage d’orthoptères. Au printemps suivant, j’ai eu la surprise d’assister à l’éclosion d’une nouvelle génération de minuscules mantes religieuse. Une des mères avait collé son nid dans l’encoignure d’une de mes boites abandonnées sur le balcon. Ces bêtes étaient trop petites pour que je puisse m’y intéresser. D’ailleurs dans ma nouvelle classe on n’étudiait plus les insectes et j’avais d’autres occupations. J’ai cependant continué à ramasser ce que les non-initiés appellent des sales bêtes.
mantis religiosa, praying mantis, mante religieuse