Ecole de Beaurecueil
Mémoire du village

A/ Télécharger le texte intégral des témoignages des anciens du village Les élèves ont interrogé Madame Monique Bossy (la bugade), Monsieur Raoul Gautier (l'agriculture), Monsieur Raymond Gautier (les vers à soie), Monsieur Bourgogne de la Maison Sainte Victoire (la carrière de marbre).

B/ MEMOIRES de Raoul Gautier - Château de Beaurecueil
recueillies par Arme Pétroff pour GENERATIONS ARC-EN-CIEL
Novembre 1998
dans le cadre de
GÉNÉRATlONS ARC-EN-CIEL
6, RUE MATHERON - 13100 AIX-EN-PROVENCE - TÉL. 04 42 21 10 34
ASSOCIATION LOI 1901 - JO. JUILLET 1993 - CCP 1083804 M - MARSEILLE

AP - Comment travailliez-vous la terre ?
RG - Comment on travaillait la terre ? Avec des chevaux : on semait ; on n'en faisait pas beaucoup à la fois ; on n'allait pas aussi vite que le tracteur.
Les femmes faisaient la blanchisserie. Elles lavaient le linge : on appelait ça des "bugadières". Elles allaient porter le linge propre le lundi à Aix et elles retournaient le sale pour le lundi d'après. Le mardi, elles travaillaient la terre.

AP - Où lavaient-elles le linge, ces bugadières ?

RG - Elles le lavaient au Bayon, la petite rivière qui coule sous Beaurecueil ; elle passe près du Camping. L'hiver, il faisait froid au bord de l'eau, elles tassaient la glace; c'était dur. Le linge était dur à sécher, l'hiver aussi. Elles étendaient le linge, ou bien elles le mettaient saur des buissons pour le faire sécher.

AP - Même l'hiver, quand il pleuvait, quand il y avait de la neige ?

RG - Cela n'allait pas tout seul : parfois, le linge n'était pas prêt le lundi. Pour le faire sécher, c'était du travail. Et puis, on allait à Aix avec le "buguet" avec le cheval, pour rendre le linge et retourner le sale.

AP - Et qui étaient les clients des bugadières ?

RG - C'étaient plutôt des gens aisés, qui avaient des sous ; ce n'était pas tout le monde, mais enfin, il y avait de bons clients.

AP - Et avec quoi lavait-on le linge ? du savon ?

RO - On faisait la "bugade", on le lavait, puis on le mettait dans un "tinaou" (Tian ?"). On mettait un "lingol" (?) dessus avec du cendre, et on envoyait de l'eau chaude, sept fois. Le linge était bien nettoyé ; après, on le rinçait il était bien. On le rinçait au Bayon, il y a longtemps de ça, parce qu'après, il y a eu l'eau
Lorsqu'il y a eu l'eau, ça n'a plus été pareil. On a fait venir l'eau de Saint Antonin vers 1909-1910. On a fait venir l'eau aux fontaines. Beaucoup beaucoup plus tard, dans les maisons, en 1928. L'eau dans les fontaines, c'était beau. On s'en servait pour faire boire les chevaux; l'été, ça boit, un
cheval !

AP - Combien ? à peu près 20 litres?

RG - Oui, surtout quand ils travaillent. Quand ils ne travaillent pas, ils boivent moins. Autrefois, on s'aidait, on se rendait les journées ; par exemple, avec les chevaux, tantôt on allait pour l'un, tantôt ils venaient pour soi-même. Pour les écoles, les enfants venaient du Pont de Bayeux jusqu'à Beaurecueil.

AP - L'école était ici, à Beaurecueil ?

RG - Oui, depuis 1884, elle était là où elle est maintenant. ils venaient de loin, c'était pénible. Il n'y avait pas de cantine. Ils dînaient sous le préau ; quand il faisait très mauvais temps, ils dînaient dans l'école, mais c'était rare.
Le soir, il faisait vite nuit, alors, ils partaient à la récréation. Ceux qui venaient des Barres, on les faisait partir à la récréation. ils venaient de Saint Antonin ; il n'y avait pas d'école à Saint Antonin

AP - La vie était dure !

RG - Oui, la vie était dure : on allait à Aix avec la charrette pour faire les provisions. Après, plus tard, l'épicier est passé avec son cheval, puis plus tard, ça a été avec une voiture; ça s'est modernisé.
Pour faire une maison, il fallait beaucoup de temps : on la montait pierre après pierre. Maintenant, il y a les "quérons" (parpaings)

AP - Mais elles étaient solides !

RG - Elles étaient solides, on allait chercher les pierres à la marbrière, à Roques Hautes

AP - Ah oui, à Roques Hautes, il y a une grande carrière, mais c'est du marbre, non?

RG - Oui, mais il y avait du "laissé" : on vous donnait les pierres ; il y avait du laissé, là. On charriait le gravier avec Ies chevaux dans le temps. Après, ça a été avec des camions.

AP - Le gravier, et puis les pierres ?

RG - Le sable, ils le prenaient au bord de la rivière; ça n'allait pas aussi vite que maintenant, l'entrepreneur maçon avait une charrette pour se déplacer et mettre son matériel. Le matin, il ne venait pas. Tout était long.

AP - Est-ce que les gens étaient plus malheureux que maintenant à cause de cela ? Aujourd'hui, on est tellement pressé!

RG - Oui, il y avait du travail ; maintenant, il n'y en a plus malheureusement.
Pour monter une maison aujourd'hui, en un rien de temps elle est faite. Dans le temps, il fallait un sacré moment.

AP - Combien de chevaux aviez-vous chez vous ?

RG - On en avait deux. Bien plus tard, on a acheté un tracteur, et on n'a plus gardé qu'un cheval. Je vous l'ai déjà dit, j'ai été le dernier paysan à avoir un cheval, et mon pauvre père a acheté le premier tracteur dans Beaurecueil, en 1921 ou 1922; j'ai été le dernier à avoir un cheval de trait. Maintenant, il y a le Poney Club. C'était un cheval breton. Le dernier que j'ai eu était un mulet ; ils sont durs, les mulets ! Us sont têtus, mais ils ont du mal à se fatiguer; ils résistent à la chaleur.
Dans le temps, avec un cheval, on pouvait travailler jusqu'à dix hectares de terre. Maintenant, il y a les tracteurs, car il faut aller vite

AP - Est-ce que vous aviez des oliviers chez vous ?

RG - Un petit verger. On faisait de l'huile ; on les apportait au moulin d'huile

AP - Est ce qu'elle était bonne ?

RG - Oui, elle était assez bonne; on l'apportait à Aix ou à Auriol

AP - Jusqu'à Auriol !

RG - Quand il y a eu les camionnettes, nous ne sommes plus allés à Auriol avec les chevaux

AP - Et avant les camionnettes ?

RG - On les apportait rue Fernand Dol ; il y avait un moulin à gauche en descendant. Il ne doit plus y avoir de moulin maintenant.
Il y en avait à Coudoux ; c'est le pays des olives, là-bas. Auriol aussi.

AP - Et à Puyricard ?

RG - Je ne sais pas, peut-être bien. Ca va bientôt être la saison de ramasser les olives; du côté de l"'Abaille"(?), ils ont déjà commencé ; du côté de Coudoux peut-être aussi.

AP - il y a encore des moulins, et je pense qu'il y en aura toujours

RG - Nous avons parlé tout à l'heure de l'école : on allumait le feu avec du charbon. Pour faire prendre le charbon c'était long ; il fallait du petit bois intermédiaire, on allait en chercher dans la colline.

AP - C'était les enfants qui allaient chercher le petit bois?

RG - Oui, avec l'institutrice. il y avait des blocs de charbon, il fallait les casser. Ca ne s'allume pas comme ça, le charbon Mais l'école était grande ; il ne faisait pas trop chaud. De plus, il n'y avait pas de cantine.; tes enfants apportaient la "biasse', le petit panier. Mais, du Pont de Bayeux ça faisait loin, surtout quand il faisait mauvais temps. L'été, quand il faisait beau, ça allait. Mais l'hiver, c'était pénible.

AP - Comment les enfants étaient-ils habillés ?

RG - Ils avaient la pèlerine ; ils mettaient les mains dessous parce qu'il faisait froid. Ils avaient des gants, mais ils avaient froid aux mains.

AP - Aux pieds, ils avaient des sabots ?

RG - Ils avaient des souliers, pas de sabots

AP - Il y a eu beaucoup de ces enfants qui sont venus plus tard en ville pour faire leurs études, et qui sont devenus des gens superbes !

RG - Il n'y en avait pas beaucoup ; après le Certificat d'Etudes, ils travaillaient. C'est rare qu'ils soient allés plus loin que le Certificat d'Etudes. Maintenant, c'est obligé de continuer. Avant, vers 12 ou 13 ans, ils s'arrêtaient

AP - Et il n'y en avait pas qui s'échappaient ?

RG - Pas trop, non. Ils travaillaient la terre ; ils étaient habitués comme ça.

AP - Vous avez passé votre certificat d'études, vous aussi ?

RG - Non, je ne l'ai pas passé ; j'avais 12 ans, je n'avais pas trop la passion. J'ai quitté l'école à peu près à douze ans

AP - Vous saviez lire, écrire, compter et tout ça ? Faire des opérations ?

RG - Oui, oui, le temps a beaucoup changé maintenant. Il faut beaucoup d'instruction, et encore, on n'y arrive pas. C'est dur pour les jeunes, c'est malheureux.

AP - C'est très dur pour les jeunes. Mais enfin, on a entendu que le chômage commence à diminuer sérieusement, et la croissance augmente.

RG - C'est intéressant si le chômage diminue.

AP - Vous n'aviez pas de moutons ou de chèvres ? Vous étiez seulement agriculteur... pas fermier ?

RG - Ma mère n'avait pas la passion des chèvres ; il y avait beaucoup de gens qui avaient une chèvre pour avoir du lait. Ils l'emmenaient brouter, ça faisait un peu de lait le matin.

AP - Vous avez eu votre maman jusqu'à quel âge?

RG - Jusqu'à 42 ans. Elle m'a fait faute.

AP - Elle est morte jeune ?

RG - Non, à 77 ans. Moi, je suis dans mes 86.
Avant, il y avait une épicerie à Beaurecueil; c'était commode. Après, il n'y a plus rien eu. Il n'y a pas de boulanger, il vient de Palette. Là, il y a un boulanger, un boucher, l'épicerie, le marché le mardi et le samedi. Avant, j'y allais, tant que j'ai pu me débrouiller seul, mais, passé 80 ans, c'est dur.
Avant, on n'avait pas l'électricité; on s'éclairait avec la lampe à pétrole. Je me rappelle de la lampe à huile, mais je ne m'en suis jamais servi.
On éclairait avec la lampe à pétrole, mais on n'y voyait guère dans les coins.

AP - Ca fait une jolie lumière.

RG - On la mettait sur la table. Nous n'avons eu l'électricité que vers 1928. Ça a été beau, quand il y a eu l'électricité.

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